Rick Randall et Rock Willis vous parlent culture
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04 avril 2013

Ciné: Guerrière, Gran Torino en mode Godwin

          Idéologie politique ayant connu un flop massif au milieu des années 1940, le national-socialisme allemand rendrait fou de jalousie le plus rigide des écologistes qui peuplent nos (plus si) vertes vallées. En effet depuis sa chute, le nazisme est passé maître dans l'art du recyclage et traîne ses guêtres de mal absolu d'ouvrage de fiction en ouvrage de fiction, tant et si bien qu'il a réussi à se faire à nouveau une place au soleil dans le paysage coloré de la politique allemande actuelle (comprenez : gris, beige, et un peu moins gris). Toutefois Guerrière malgré son nom belliciste n'est pas de cette trempe-là, et joue plus dans la cour de l'antagonisation classique de nos sympathiques loubards à swastikas que dans l'approche subtile et documentaire. Bon, on sait bien que les nazis ne sont pas des enfants de choeur, mais ici la ficelle scénaristique est un peu grosse.
Il faut faire à peu près cette taille pour comprendre le sous-texte du film
En effet, à travers le destin de deux douces et fragiles petites biches représentatives de la cible démographique qui a probablement le plus entendu parler des horreurs perpétrées par leurs défunts compatriotes et autres joyeusetés, le réalisateur se donne un mal fou pour ne pas nous taper en pleine poire avec une brique sur laquelle serait écrite : L'INTOLERANCE C'EST PAS BIEN. Il a un message, le message est clair, il veut quand même nous le faire savoir. 
        Nos deux martyres modernes commencent donc leur destin aux travers des viscères puantes de la jeunesse désoeuvrée et précaire allemande de façon opposée : l'une, Marisa, la vingtaine gouailleuse, y est déjà jusqu'au cou, tatouages à l'appui ; tandis que l'autre, Svenja, lycéenne paumée (attention, cette association d'idée peut en choquer plus d'un) y glisse petit à petit, poussée involontairement par l'autoritarisme borné de son père et par sa méduse amorphe de mère. Encore une fois on peut pousser un soupir d'auto-contentement : l'histoire est lancée sur des rails dont elle ne sortira plus. Pour dire, le film a même l'audace de commencer par le dénouement, histoire de nous rassurer quant à l'issue morale de ce qui en fin de compte n'est rien d'autre qu'un modèle standard de fable.
On s'est pas déjà vus dans un Iñarritu?
         Mais rien en dit qu'un voyage en train ne peut pas être agréable, même si l'on sait la destination finale être Charleroi. Et malgré tout le mal que je puisse penser du paquetage héroïne tourmentée/martyre sacrifiée/gros nazi pas bô/immigrant sauvé, il faut bien avouer que le tout est sauvé par une direction artistique compétente, proposant même parfois de bonnes idées créatives sous couvert de tentatives un peu minables de transfert émotionnel, et surtout par des acteurs qui n'ont pas peur de débiter leurs dialogues parfois franchement hilarants de clichouillages avec un sérieux et même une émotion qui font plaisir à voir.
          Ce qui aurait pu passer pour un exercice de plus d' « agitation d'index moralisateur » devient donc sous le regard du spectateur attentif, une bête curieuse ne tenant pas forcément toujours sur ses pattes, mais plutôt agréable à disséquer d'un point de vue cinéphile. Toutefois l'index est toujours présent et a fâcheuse tendance à vouloir se loger dans nos mirettes innocentes au moment le plus inopportun, forçant parfois le drame à un excès qui en devient hilarant. Mais bon, le projet a l'air sincère et il serait malhonnête de discréditer totalement ce qui reste une bonne intention : faire savoir au monde entier que le mal, eh bien c'est MAL.

Bonsoir.



                                                       Rick Randall


VERDICT: A voir si l'on est en mal des années 80 et de leurs méchants surlignés, ou si on a juste besoin d'un conte pas bien fin mais bien intentionné.